Nous avons une page à tourner.

Au-delà des milliers de morts, qui, même si nous ne les connaissions pas, nous touchent de près, car touchent à notre humanité.
Au-delà des pertes d’emplois, de revenus, catastrophiques pour certains.
Au-delà de notre liberté de mouvement.

Au-delà de tout cela, il y a aussi les projets qui nous tenaient à cœur que nous avons postposés, perdus ou allons perdre.
Il y a les contacts humains journaliers spontanés, tantôt chaleureux, tantôt profonds, en mode pause.
Il y a des élans coupés, un trimestre scolaire et toute l’insouciance qui l’ accompagne envolés.

Oui, nous sommes en deuil.

Certains dans le déni, ne veulent pas voir, jouent les optimistes.
D’autres dans la colère.
D’autres encore dans le marchandage : ils cherchent des solutions pour continuer coûte que coûte comme si tout cela n’allait pas durer, n’allait pas avoir de conséquence. Ils regrettent de ne pas avoir prévu ceci, anticipé cela.
Il y a aussi ceux qui nous disent, déjà, de voir cela comme une opportunité. Méthode Coué, étape de l’acceptation intellectuelleou personnalité à saisir toutes les opportunités qui se présentent?

Avoir le courage de regarder cette situation telle qu’elle est !

Une chose est certaine : nous ne pourrons réellement vivre ce bouleversement comme une opportunité que lorsque nous aurons traversé ce deuil, dans l’indulgence envers nous-mêmes et avec la plus grande des consciences.  Individuellement et collectivement !

Ce processus du deuil est jonché de peurs et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette situation particulière nous en amène son lot. La peur de l’inconnu, peut-être la première, est difficile à vivre.

Négativisme ? Détrompez-vous ! Je cherche à regarder cette situation, cette rupture, telle qu’elle est. Je cherche à faire mon job d’humain. Quel que soit le temps que cela prendra, quelle que soit l’étape où nous nous trouvons, quels que soient les allers-retours que nous faisons, acceptons de les voir, de les ressentir. Nous ne pourrons qu’aller mieux après.

Après viendra l’heure des bilans, collectifs mais aussi individuels.

Certains y pensent déjà parce que ce processus n’est pas linéaire.
D’autres savent qu’une fois la bourrasque passée, il sera nécessaire et profitable de se demander quelles leçons sont à tirer collectivement.
Je nous invite aussi à faire ce job pour nous-mêmes. C’est aussi cela « être des individus responsables ». C’est cela « être son propre leader ».
C’est cela qui nous permettra de nous poser les mêmes questions en équipe, pour notre entreprise, pour notre pays, pour notre monde !

Qui ai-je été pendant cette crise ? Quelles ressources ai-je déployées ? Qu’ai-je dû apprendre ? Qu’ai-je pu apprendre? Personnellement et professionnellement ?

Lâcher prise, lâcher le fait de vouloir tout maîtriser, tout contrôler.
Ralentir, prendre le temps.
Se préserver, mieux harmoniser ses vies.
Se relier, se sentir solidaire, sortir de l’individualisme.
Se recentrer et comprendre que pour aider l’autre, il faut d’abord bien respirer soi-même.
Décider vite, sans avoir toutes les cartes en mains.

Et à l’issue de ce bilan :
Qu’est-ce que je veux garder ? Qu’est-ce que je veux faire évoluer ? Que sera mon après?
Qu’est-ce que nous voulons garder ? Qu’est-ce que nous voulons faire évoluer ? Quel sera notre après?

Parcourir la roue du changement, chacun a sa manière.

Certains, individus ou collectivités, verront clair en eux et traverseront la demi-roue de Hudson.

Ils changeront certains de leurs comportements, ils auront mis en place de nouvelles habitudes, Ils travailleront différemment, peut-être en télétravail plus souvent. Ils développeront de nouvelles compétences. Au travers de ces changements, ils pourront formuler de nouveaux projets… jusqu’à la prochaine rupture, quelle qu’elle soit!

D’autres verront leur être ébranlé. Ils auront perdu leurs repères. Ils entreront dans une sorte de tunnel, de traversée du désert. Et avec cela, l’opportunité de faire évoluer leurs croyances sur eux-mêmes, les autres ou la vie, leurs valeurs. L’opportunité de revoir leur mission de vie, d’entreprise. Ce sera le prix à payer pour grandir plus profondément encore, pour se réinventer!

Il n’y a pas de bonne manière de parcourir la roue, il y a celle qui se présente à nous.

Et si vous êtes manager, vous aurez à repérer, à accepter, à accompagner à votre manière vos propres changements mais aussi ceux de votre équipe. Ce sera un défi de taille ! Et vous le relèverez la tête haute.

Rien n’est permanent, sauf le changement.

Les ruptures sont fréquentes dans nos vies, parfois voulues, parfois imposées. Alors c’est le moment où jamais d’apprendre à les reconnaître, à les traverser, avec indulgence et humilité. Nous n’en serons que plus humains, nous n’en serons que meilleurs, nous n’en serons que plus cohérents !

Je nous souhaite toute la force nécessaire pour y arriver.

Je pense aussi à tous ceux qui sont « au front », qui luttent pour notre survie à tous en nous soignant, en nous protégeant, en nous nourrissant. Analysent-ils ? Sont-ils noyés par leurs émotions ou au contraire s’en protègent-ils ? Cette expérience a-t-elle déjà donné un sens nouveau à leur vie ? Notre devoir à tous, dans l’après, sera de leur laisser le temps et l’espace de faire leur deuil et de vivre leur évolution personnelle en conscience.

Marie-Hélène Dobbelaere
Compagne, mère, fille, coach et formatrice, directrice d’Irigo, citoyenne